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Gone With The Book...
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11 septembre 2011

G229 - Jean-Philippe Blondel (2011)

G229Quatrième de couverture: "Je vous ai accordé une salle. Une salle, vous savez, ça n'a pas de prix. C'est la 229, bâtiment G, G229. Allez chercher la clé chez la concierge. Bon, je crois que cet entretien est terminé. Nous nous croiserons souvent désormais. Bienvenue ici." Je remercie le proviseur, mais il ne m'écoute déjà plus. Un proviseur, ça a beaucoup de choses à penser. Un prof, non. Un prof, ça ne pense qu'à une chose, ses classes. Puis soudain, il est de nouveau là, présent. Il me fixe. Il dit: "Le plus dur, dans le métier, vous savez, c'est de manier le on et le je." Je répons que euh, je ne suis pas sûr de comprendre. "C'est une institution, l'école. Vous entrez dans un bulldozer. Il faut arriver à en devenir membre sans perdre son individualité. Ce n'est pas aussi facile qu'on le croit, vous verrez. Le on et le je. Réfléchissez-y. Bonne chance !"

Voilà un court roman que j'ai vraiment adoré. A vrai dire, je l'ai lu en deux, trois jours et l'ai refermé il y a déjà près de deux semaines mais vous comprendrez ci-dessous pourquoi j'ai attendu aujourd'hui pour en parler. C'est un roman mais moi, je l'ai lu comme un essai. Seule une personne enseignant ou ayant enseigné a pu écrire ce livre. Tout est juste. Le ton, le style, les observations. J'avais lu "Juke box" de cet auteur, roman qui ne m'avait pas enthousiasmée plus que cela. Celui-là, par contre, est à mes yeux un petit bijou. A lire absolument surtout si vous enseignez et plus encore une langue vivante. Je m'y suis vraiment retrouvée ! Je le dévorais chapitre après chapitre quand je suis arrivée à la page 189...

"Nous avons regardé un extrait de Quatre mariages et un enterrement (...). J'éjecte la cassette vidéo. J'éteins le lecteur - je dois passer brièvement sur le canal de la télévision avant de débrancher.

Surgissent des cris angoissés, des oh my god, des oh no, oh no, oh no. Encore une série ridicule probablement. Je lève la tête. Ils lèvent la tête en même temps que moi. Devant nous, devant moi, à quelques centimètres des mes yeux, un avion s'écrase dans la deuxième tour jumelle. Instantanément, le frisson - dans les épaules. Dans les jambes, au-dessus du genou. Je m'assieds sur la table occupée par Aline C. - mais je suis trop haut, encore trop haut, je retrouve ma chaise. Mon regard n'a pas quitté un instant l'écran de la télé."

Mes yeux se sont embués et je n'ai pas réussi à continuer. J'ai recommencé la lecture de ce passage à trois reprises avant de parvenir au bout. Voici des extraits de la suite...

"Les mots des journalistes. La valse des effarements. Le bandeau noir qui défile en bas de l'écran, avec les lettres qui s'inscrivent en blanc. Et la voix de Sébastien qui demande: "Qu'est-ce qui se passe, monsieur?" Je n'ai pas de réponse. Je secoue la tête. Je ne parviens à prononcer aucune phrase. Tandis que les images repassent en boucle avec des ébauches d'explication, des réactions à chaud et des interrogations sur l'avenir, les mots m'ont déserté. (...) 

C'est là que je vois le premier corps qui tombe.

J'entends un cri étouffé derrière. Des sanglots sans doute. L'image est fugitive. De nouveau, les vues de loin. Amélie a la voix cassée quand elle crie: "C'était quoi ça, monsieur?" Je prends mon courage à deux mains. Je me force à me lever. Je suis de plomb. Je me déplie. Je touche la télécommande. J'éteins. Je leur fais face. Il règne un silence épais. Dehors aussi. Nous restons comme ça une minute, peut-être deux. Je passe d'un visage à l'autre. Je veux les mémoriser les uns après les autres. Tenter de les préserver de tout ce qui va survenir, maintenant. Les inscrire dans mes souvenirs et les faire vivre là, comme des braises, entretenant le feu intérieur pour les moments que nous allons tous traverser. Mathieu et Aline C. se tiennent la main, à droite du bureau, dans le second cercle du U.

Je veux prendre la parole. Je me racle la gorge. Ils se tendent tous vers moi. Mais qu'est-ce que je peux dire? Je ne peux pas les rassurer. Je ne peux pas les réconforter, leur expliquer que ce n'est que de la fiction, que tout ça n'est uq'un mauvais rêve. Je lève la main. Je la baisse. (...) C'est un cauchemar au ralenti."

Je me suis revue dans ma salle de classe à Asheville High dix ans plus tôt et à l'évocation de ces instants tragiques, j'ai sangloté.                                                                                                                                                                                                                                                         

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Commentaires
L
Contente qu'il t'ait plu.<br /> Je l'avais adoré et lu dès sa sortie.<br /> Du même auteur je te conseille "Accès direct à la plage".<br /> Son premier roman.<br /> Excellent.<br /> Bises
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