Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Gone With The Book...
Gone With The Book...
Publicité
Newsletter
31 octobre 2012

La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules - Philippe Delerm (1997)

gorgée

Quatrième de couverture:

« C'est facile, d'écosser les petits pois. Une pression du pouce sur la fente de la gousse et elle s'ouvre, docile, offerte. Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes - une incision de l'ongle de l'index permet alors de déchirer le vert, et de sentir la mouillure et la chair dense, juste sous la peau faussement parcheminée. Après, on fait glisser les boules d'un seul doigt. La dernière est si minuscule. Parfois, on a envie de la croquer. Ce n'est pas bon, un peu amer, mais frais comme la cuisine de onze heures, cuisine de l'eau froide, des légumes épluchés - tout près, contre l'évier, quelques carottes nues brillent sur un torchon, finissent de sécher.

Alors on parle à petits coups, et là aussi la musique des mots semble venir de l'intérieur, paisible, familière. De temps en temps, on relève la tête pour regarder l'autre, à la fin d'une phrase ; mais l'autre doit garder la tête penchée - c'est dans le code. On parle de travail, de projets, de fatigue - pas de psychologie. L'écossage des petits pois n'est pas conçu pour expliquer, mais pour suivre le cours, à léger contretemps. Il y en aurait pour cinq minutes, mais c'est bien de prolonger, d'alentir le matin, gousse à gousse, manches retroussées. On passe les mains dans les boules écossées qui remplissent le saladier. C'est doux ; toutes ces rondeurs contiguës font comme une eau vert tendre, et l'on s'étonne de ne pas avoir les mains mouillées. Un long silence de bien-être clair, et puis :

Il y aura juste le pain à aller chercher.»

Quand j'ai lu "Le trottoir au soleil" l'année dernière, j'avais écrit que je n'avais pas beaucoup aimé et qu'en fait, cela m'avait donné envie de relire "La première gorgée de bière..." parce que c'était bien meilleur à mon sens. Une récente énième nuit d'insomnie m'a permis de le faire enfin et je confirme, cette première série de récits des petits plaisirs de la vie se croque avec délice et nous plonge, ici et là, dans la nostalgie de "temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître" !

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité